Johan Deschamps, (ré)création

Dans cette culture française qui aime bien coller de rassurantes étiquettes sur les gens et leurs pensées, Johan Deschamps dénote en cultivant l’art du contre-courant et de l’insaisissable. Couturier, designer, artiste-graphiste, gérant de salon de thé, pas facile de le classer… Le luxe des créatifs qui refusent de se laisser enfermer dans une seule case. Artiste atypique, c’est lui qui signe la nouvelle couverture de ce baroq printanier.

Discret et élégant dans un costume parfaitement taillé, il prépare un thé derrière le comptoir de son nouveau lieu de création « Edouard », où il a accepté de nous laisser entrevoir des bouts de ses multiples vies.

D’où viens-tu ?

J’ai grandi à Châteldon, avant d’intégrer le lycée professionnel Abel Boisselier à Cusset en section couture, à 16 ans.  Des membres de ma famille travaillaient en mercerie ou en confection et j’étais très attiré par la beauté et la noblesse du métier de tailleur pour hommes. Puis j’ai suivi des cours de couture à Paris tout en travaillant à McDonald’s.

Tu as trouvé ta place dans ce milieu ?

J’ai monté ma première structure à 22 ans et j’ai été couturier indépendant pendant 15 ans.

J’ai proposé un style singulier et atypique qui a été apprécié, je crois, en évitant de suivre une seule ligne ou d’être seulement un exécutant. J’ai monté ma première structure à 22 ans et j’ai été couturier indépendant pendant 15 ans.

Pour qui ?

Des tas de milieux différents, de la haute couture pour de grandes maisons aux tenues de scène pour des groupes de black métal, avec en dénominateur commun, le mouvement et l’envie de suivre ma mode et pas un quelconque marché. 

Qu’est-ce qui a arrêté ce tourbillon ?

Après une vie de voyages et déplacements, j’ai eu envie et besoin, en 2013, d’être plus présent avec ma famille. J’ai aussi vu des limites dans ce que je pouvais donner dans la couture. La création ça bouge, c’est une évolution, une recherche, c’est la musique, la sculpture, le design, l’art, le mouvement, le voyage, j’aime bien l’idée d’avoir plusieurs vies professionnelles. Revenu à Vichy, j’ai travaillé 4 ans dans la boutique de décoration intérieure « Atmosphères ». Je me suis pris au jeu de la déco et de la mise en scène, qui est finalement une continuité logique de ma vie de couturier. En parallèle, j’ai toujours gardé un atelier de couture. Puis fin 2019, j’ai ouvert un premier magasin de décoration « Signature – Vichy », durant la crise Covid.

La pandémie a eu un effet sur ton activité ?

Oui, celui de me poser et de faire un travail d’introspection. J’ai eu le temps de regarder des tas d’archives photos, dessins, croquis, graphismes accumulés sur mes disques durs ces dernières années. J’ai alors eu envie de travailler plus précisément mes graphismes, en mode collection déclinée sur des luminaires, abat-jour ou coussins de la marque « Dame de Pique », que j’ai créée avec Stéphane Chmitelin. Imprimer le tissu, rechercher la forme… 10 ans après, la couture s’est de nouveau imposée à moi.

Fin 2022 tu as donc ouvert Edouard. Salon de thé, bar à vin, maison de déco… Un lieu aussi éclectique que toi non ?

C’est un lieu qui dit « Osez entrer, vous êtes les bienvenus ! ».

Quand j’ai rencontré Évelyne, l’ancienne propriétaire de « La Maison d’Edouard », on parlait le même langage. Elle a cru en moi pour que j’écrive mon histoire, différente, mais avec les mêmes codes. L’ambiance musicale y est très importante, tout comme la mise en scène des produits vendus. On y retrouve mes créations, des tables et chaises de créateur, du Vivienne Westwood et des objets design à 15 balles. C’est un bar où l’on boit du champagne, comme on prend une planche de charcuterie après le travail ou un café en matinée. C’est un lieu qui dit « Osez entrer, vous êtes les bienvenus ! »

Tu nous parles un peu de cette couv’ réalisée pour baroq ?

baroq Magazine 6

J’avoue que je me laisse aller le plus souvent à l’inspiration du moment sans trop y réfléchir. Cette couverture est née de mon travail autour des ailes de perroquets. Peut-être que ce graphisme deviendra ensuite une doublure de vêtement…

Quel serait le meilleur résumé à faire de toi-même ?

Mon ambition ? Être heureux.

Je suis un artisan passionné, pas par une matière ou un support en particulier mais par la vie. Sans doute un peu audacieux aussi. Un enfant qui regarde toujours les nuages et qui aime entendre les feuilles bruisser. Mon ambition ? Être heureux. Pas comme un idiot du village, mais comme un bien heureux, qui garde la candeur de l’enfance.

Instagram @undimancheavichy | edouard.vichy

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Par Bénédicte ROLLET 
Photo © Walter FAURE 
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